Très
chers amis,
J'ai le très grand honneur, comme fils de Brigadiste
français et de Résistant fusillé par les nazis, d'apporter ici, de
France, l'hommage aux combattants et aux morts de la Bataille de l'Ebre et de la Guerre d'Espagne, mais
aussi à tous les espagnols
qui combattirent pour la libération de la France et d'autres pays.
Un
grand nombre de ces combattants, Espagnols ou venus du monde entier, sont morts ici même, les
armes à la main pour défendre la démocratie, les libertés, le progrès social. Sur
9000 Français partis combattre, le tiers repose en terre d'Espagne.
Un
grand nombre également des combattants rescapés, Espagnols ou venus du monde entier,
réfugiés en France, ont continué le combat commencé ici. Face a eux, Hitler,
Mussolini et leur complice Pétain, ami de longue date de Franco et de Salazar et comme tel
premier ambassadeur de France à Madrid après Mars 1939 et la chute de la République.
A peu de personnages prés,
ce fut bien - entre 1940 et 1945 -, la guerre des mêmes contre les mêmes qu'entre 1936 et 1939. Si la France officielle de 1939 réserva aux exilés d'Espagne un accueil indigne
dans ses camps du Vernet d'Ariège,
Surs, Argelès, Rivesaltes, Saint Cyprien et tant d'autres, la solidarité populaire s'exerça elle aussi : entre les trois
couleurs des Républiques des deux versants
des Pyrénées il y avait une couleur commune : et c'est celle des peuples.
Les
Guérilleros espagnols furent à l'avant-garde des forces de la Résistance française : Toulouse, Foix, Agen, Tarbes
et bien d'autres localités et départements
du Midi leur doivent en grande partie leur libération en 1944. Les chars du Général Leclerc arrivant à Paris le
25 août 1944 avaient à leur tête des
véhicules portant les noms de EBRO, MADRID, GUADALAJARA, BRUNETE. Leur
jonction avec l'insurrection parisienne fit capituler les nazis. Et a la tête des
Parisiens insurgés, il y avait Henri Tanguy, devenu Colonel « Roi-Tanguy
», car il avait rapporté de la bataille de l'Ebre, d'ici même, la moitié de son nom, celui de son copain Théo Rol, mort à ses
côtés.
L'histoire
de la Résistance
en France comporte les noms de milliers d'Espagnols glorieux : tels les
frères Conrado et José Miret - Musté, chefs des premières unités armées
espagnoles ou des FTP-MOI en zone occupée, tels Cristino Garcia, Celestino
Alfonso, Luis Fernandez et tous ceux qu'il convient d'ajouter parmi les 12.000
Guérilleros de France, sans compter ceux des prisons et des camps de la mort : à
Mauthausen, ce sont des déportés espagnols en armes, qui ont accueilli leurs libérateurs
Américains, trois jours avant la capitulation nazie. Oui, la deuxième guerre mondiale a bien commencé à Madrid. Défendre
Madrid c'était bien, selon les
paroles du Président Azana, défendre Paris, Londres, Bruxelles et la liberté contre la barbarie, c'était
aussi délivrer Berlin et Rome. Que
n'a-t-on voulu le voir ou l'entendre, en 1936 puis en 1944 ou après le 8 mai 1945 ? Que n'a-t-on voulu rétablir partout la
démocratie et les libertés ?
La
guerre d'Espagne fut la matrice de la Résistance dans toute l'Europe occupée, en particulier en France, d'où ce mot
parti pour faire le tour du monde. Dans
l'Europe qui se construit aujourd'hui, la référence commune c'est les droits de
l'homme et du citoyen ; leur affirmation est née en 1789 en France, les peuples d'Espagne grâce aux sacrifices de leurs
combattants de la liberté, les font aujourd'hui regermer
et revivre chez eux. Un hommage comme celui d'aujourd'hui y contribue fortement.
Ce drapeau de la XlVème
Brigade Internationale est né ici, c'est celui de la fraternité au service de la Liberté.
Combien
d'hommes véritables sont morts en le portant……
C'est
notre fierté, pour cet hommage de le brandir comme un témoin, comme un flambeau, un relais
entre les générations du feu et celles de la paix, de la démocratie et de l'égalité entre tous les
hommes.
Et
puisque j'ai parlé d'hommes véritables, permettez moi, parmi des milliers, d'en
évoquer
un seul mais qui en France, nous tient particulièrement à coeur : Célestino
Alfonso.
Né le 1er mai 1916 à ITUMAR-OZABA, il vint tout jeune
en France avec ses parents.
En 1937, à 21 ans, il retourne en Espagne pour y
défendre la République
et obtient
le grade de lieutenant. Après la défaite il rentre en France, exerce le métier de menuisier
et devient très rapidement, dés 1941 et le début de la lutte armée, l'un des tout
premiers combattants contre l'occupant nazi dans les rangs des FTP-MOI
commandés par le poète Arménien Missak Manouchian, successeur de Conrado Miret-Musté mort sous la torture.
Avec
deux camarades, Marcel Rayman, (juif polonais) et Spartaco Fontano (Italien), il abat
notamment deux personnalités allemandes majeures : le général Von Schaumburg commandant
les troupes allemandes de Paris et le Dr Julius Ritter organisateur de la déportation de
centaines de milliers de travailleurs ;, forcés en Allemagne à partir de 1943.
Arrêté
le 19 novembre 1943, Célestino Alfonso fut, comme ses vingt trois autres camarades de «l'Affiche rouge», condamné à mort et
fusillé le 21 février 1944 dans la forteresse du Mont Valérien prés de
Paris. Il avait 28 ans. Voici sa dernière
lettre, très courte, écrite quelques instants seulement avant la fin.
Mont Valérien 21 février
1944
Chers femme et fils
Aujourd’hui à trois
heures, je vais être fusillé, je ne regrette pas mon passé. Ce serait à
recommencer, je serais encore le premier. Je vous demande beaucoup de courage.
Que mon fils ait une bonne éducation, entre tous de la famille, vous pouvez y
arriver.
Je meurs pour la France.
Célestino
Alfonso
Par le
sang versé dans son pays natal puis dans son pays d'exil et d'adoption, Célestino Alfonso
appartient à la fois à l'Espagne et à la France ; n'était il pas, par là, un
précurseur des idéaux de Terre de Fraternité ?
Pierre
REBIERE