C'est avec une immense émotion que
nous nous retrouvons à nouveau, ici, sur le site de la bataille de l'Ebre où
tant de combattants espagnols et de brigadistes sont tombés pour défendre à
la fois la
République Espagnole, la Généralité de
Catalogne et la liberté du monde.
Après tant d'années de silence,
votre présence en aussi grand nombre, est le meilleur hommage qui pouvait
leur être rendu ainsi d'ailleurs qu'aux survivants dont le nombre s'amenuise
au fur et à mesure que les années passent!… Nous ne sommes plus qu'une
poignée dans le monde!
En juillet 1938, alors que dans le
monde entier l'opinion pensait que l'armée Républicaine était déjà vaincue,
l'armée de l'Ebre, après avoir franchi le fleuve et enfoncé les lignes
ennemies, résista pendant 4 mois aux tirs incessants des centaines de
batteries d'artillerie, aux bombardements massifs des aviations allemandes et
italiennes.
Pour tenter de parvenir à un
désengagement international du conflit, de le circonscrire à sa dimension
espagnole, il fut décidé, aux termes des négociations engagées avec le comite
de Londres, sur proposition de Negrin, de retirer
du front les volontaires. Ce retrait sera réalisé sans garanties véritables
de réciprocité en ce qui concerne les fascistes hitlériens et mussoliniens,
alors que l'issue de la bataille demeurait incertaine.
Pourquoi les combattants
républicains ont-ils tenu si longtemps ? C'était dans l'espoir que les pays
démocratiques, notamment la
France, comprendrait enfin, qu'au-delà des aspects
nationaux, la guerre d'Espagne marquait, en réalité, le début de la seconde
guerre mondiale et que les démocraties, se reprenant, lèveraient l'interdit
de la livraison d'armes à l'Espagne républicaine. On pouvait encore vaincre
parce que la volonté de combattre était là. L'abandon, c'était l'arrêt de la
guerre d'Espagne.
Vains espoirs, Hitler et Mussolini
multipliaient les envois massifs d'armements les plus modernes au camp
fasciste. L'issue de la guerre, dès lors, était inéluctable.
Dans l'émouvant hommage qu'elle
adressa aux volontaires de la liberté, retirés du Front alors que se
poursuivait ici même la bataille de l'Ebre, Dolorès IBARRURI, la Pasionaria, les
invitait à revenir en Espagne en leur disant : "Vous êtes l'héroïque
exemple de la solidarité et de l'universalité de la démocratie (…) Nous
ne vous oublierons pas et quand refleurira l'olivier de la paix (…)
REVENEZ!
L'espoir était que, les années
ayant passé, ils reviendraient.
Les années ont effectivement
passé, mais elles furent longues et terribles car cinq mois à peine après la
défaite de la
République Espagnole, la seconde guerre mondiale éclatait.
Les volontaires continuèrent le combat contre le fascisme, pour la justice et
la liberté sur tous les champs de bataille dans le monde.
En France, les Républicains
Espagnols, en dépit de la politique de non intervention et de l'accueil
souvent ignoble qu'on leur réserva lors de la "Retirada" en 1939,
contribuèrent à la libération de la France. Avec eux, les volontaires étrangers,
venant des pays fascistes, étaient enfermés, comme eux, dans les camps de concentration
français.
Ayant été les premiers à s'engager
dans la résistance contre le nazisme, nombreux sont ceux qui subirent la
répression féroce des forces d'occupation nazies et de l'Etat français de
Vichy. Nombreux sont ceux qui, torturés, fusillés, payèrent de leur vie leur
engagement antifasciste pour la liberté et la démocratie.
En 1945, après la signature de la
paix, le seul Etat fasciste qui subsistait en Europe avec le Portugal,
c'était l'Espagne franquiste. Les guerrilleros
continuèrent, pendant plusieurs années, la résistance au franquisme.
Je tiens à évoquer leur souvenir
afin de rendre hommage à leur sacrifice parce que trop longtemps, ils ont été
traités comme des bandits et que cela ne fait que quelques mois qu'il a été
reconnu qu'ils étaient, en réalité, des combattants anti-franquistes, qu'ils
combattaient pour une Espagne démocratique.
Nous constatons avec douleur et
indignation que malgré les 50 millions de morts et les milliers de victimes
de Guernica et de Corbera del Ebro de la seconde
guerre mondiale -1936/1945- l'ère de paix et de fraternité tant espérée, ne
s'est pas réalisée.
Les totalitarismes de tous ordres,
les intégrismes, le racisme, les guerres et les conflits ethniques, les
massacres de population civile, continuent d'alimenter l'actualité sanglante
et tragique du monte. La volonté du système capitaliste étant d'organiser le
monde en fonction de ses intérêts et non de ceux du peuple.
L'on sait aujourd'hui, par
exemple, qu'au moment où s'affrontaient et mourraient, dans les deux camps,
des milliers d'Espagnols, les autorités franquistes concédaient les
exploitations minières et concluaient des contrats avec des personnes qui
n'ont ni amis ni ennemis mais uniquement leurs propres intérêts financiers.
Pourtant, nous
continuons à penser que les guerres ne sont pas le destin obligatoire de
l'humanité mais, qu'au contraire, un mode de développement harmonieux,
respectueux des hommes, de leur culture, de la nature, peut garantir la
sécurité et l'avenir du monde.
Nous avons
toujours été des internationalistes et nous le serons toujours. Nous sommes
pour une mondialisation qui mettra fin à la fracture sociale, cause de toutes
les souffrances de l'humanité.
L'exemple de
solidarité, par delà les frontières, que représente le combat des volontaires
de la liberté, des espagnols et des nombreux étrangers qui combattirent pour
la liberté de pays qui n'étaient pas le leur, peut contribuer à la
réalisation de cet objectif.
Chaque femme,
chaque homme, peut à son niveau, contribuer à éviter le renouvellement de
telles barbaries notamment
-
en soutenant la cause de la
justice sociale, de la démocratie et de la paix malgré les risques ou les
peurs
-
en assurant la préservation de la
mémoire de ces événements et de leurs acteurs
-
en promouvant, dans ce cadre, le
développement de relations amicales
-
en organisant des échanges et des
coopérations entre tous les peuples, villes et villages du monde
-
en rétablissant la vérité
historique dans les manuels scolaires.
Le projet Terre de Fraternité,
s'inscrit dans ces objectifs.
Les personnes, associations,
municipalités et autres collectivités qui les partagent sont invitées à
s'associer à sa réalisation.

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