Discours prononcé par Lise LONDON à Corbera del EBRO, le 5 juillet 2003, à l'occasion de la commémoration du 65ème anniversaire de la Bataille de l'EBRE

Retour à

 

C'est avec une immense émotion que nous nous retrouvons à nouveau, ici, sur le site de la bataille de l'Ebre où tant de combattants espagnols et de brigadistes sont tombés pour défendre à la fois la République Espagnole, la Généralité de Catalogne et la liberté du monde.

 

Après tant d'années de silence, votre présence en aussi grand nombre, est le meilleur hommage qui pouvait leur être rendu ainsi d'ailleurs qu'aux survivants dont le nombre s'amenuise au fur et à mesure que les années passent!… Nous ne sommes plus qu'une poignée dans le monde!

 

En juillet 1938, alors que dans le monde entier l'opinion pensait que l'armée Républicaine était déjà vaincue, l'armée de l'Ebre, après avoir franchi le fleuve et enfoncé les lignes ennemies, résista pendant 4 mois aux tirs incessants des centaines de batteries d'artillerie, aux bombardements massifs des aviations allemandes et italiennes.

Pour tenter de parvenir à un désengagement international du conflit, de le circonscrire à sa dimension espagnole, il fut décidé, aux termes des négociations engagées avec le comite de Londres, sur proposition de Negrin, de retirer du front les volontaires. Ce retrait sera réalisé sans garanties véritables de réciprocité en ce qui concerne les fascistes hitlériens et mussoliniens, alors que l'issue de la bataille demeurait incertaine.

 

Pourquoi les combattants républicains ont-ils tenu si longtemps ? C'était dans l'espoir que les pays démocratiques, notamment la France, comprendrait enfin, qu'au-delà des aspects nationaux, la guerre d'Espagne marquait, en réalité, le début de la seconde guerre mondiale et que les démocraties, se reprenant, lèveraient l'interdit de la livraison d'armes à l'Espagne républicaine. On pouvait encore vaincre parce que la volonté de combattre était là. L'abandon, c'était l'arrêt de la guerre d'Espagne.

 

Vains espoirs, Hitler et Mussolini multipliaient les envois massifs d'armements les plus modernes au camp fasciste. L'issue de la guerre, dès lors, était inéluctable.

 

Dans l'émouvant hommage qu'elle adressa aux volontaires de la liberté, retirés du Front alors que se poursuivait ici même la bataille de l'Ebre, Dolorès IBARRURI, la Pasionaria, les invitait à revenir en Espagne en leur disant : "Vous êtes l'héroïque exemple de la solidarité et de l'universalité de la démocratie (…) Nous ne vous oublierons pas et quand refleurira l'olivier de la paix (…) REVENEZ!

L'espoir était que, les années ayant passé, ils reviendraient.

 

Les années ont effectivement passé, mais elles furent longues et terribles car cinq mois à peine après la défaite de la République Espagnole, la seconde guerre mondiale éclatait. Les volontaires continuèrent le combat contre le fascisme, pour la justice et la liberté sur tous les champs de bataille dans le monde.

 

En France, les Républicains Espagnols, en dépit de la politique de non intervention et de l'accueil souvent ignoble qu'on leur réserva lors de la "Retirada" en 1939, contribuèrent à la libération de la France. Avec eux, les volontaires étrangers, venant des pays fascistes, étaient enfermés, comme eux, dans les camps de concentration français.

 

Ayant été les premiers à s'engager dans la résistance contre le nazisme, nombreux sont ceux qui subirent la répression féroce des forces d'occupation nazies et de l'Etat français de Vichy. Nombreux sont ceux qui, torturés, fusillés, payèrent de leur vie leur engagement antifasciste pour la liberté et la démocratie.

 

En 1945, après la signature de la paix, le seul Etat fasciste qui subsistait en Europe avec le Portugal, c'était l'Espagne franquiste. Les guerrilleros continuèrent, pendant plusieurs années, la résistance au franquisme.

 

Je tiens à évoquer leur souvenir afin de rendre hommage à leur sacrifice parce que trop longtemps, ils ont été traités comme des bandits et que cela ne fait que quelques mois qu'il a été reconnu qu'ils étaient, en réalité, des combattants anti-franquistes, qu'ils combattaient pour une Espagne démocratique.

 

Nous constatons avec douleur et indignation que malgré les 50 millions de morts et les milliers de victimes de Guernica et de Corbera del Ebro de la seconde guerre mondiale -1936/1945- l'ère de paix et de fraternité tant espérée, ne s'est pas réalisée.

 

Les totalitarismes de tous ordres, les intégrismes, le racisme, les guerres et les conflits ethniques, les massacres de population civile, continuent d'alimenter l'actualité sanglante et tragique du monte. La volonté du système capitaliste étant d'organiser le monde en fonction de ses intérêts et non de ceux du peuple.

 

L'on sait aujourd'hui, par exemple, qu'au moment où s'affrontaient et mourraient, dans les deux camps, des milliers d'Espagnols, les autorités franquistes concédaient les exploitations minières et concluaient des contrats avec des personnes qui n'ont ni amis ni ennemis mais uniquement leurs propres intérêts financiers.

 

Pourtant, nous continuons à penser que les guerres ne sont pas le destin obligatoire de l'humanité mais, qu'au contraire, un mode de développement harmonieux, respectueux des hommes, de leur culture, de la nature, peut garantir la sécurité et l'avenir du monde.

 

Nous avons toujours été des internationalistes et nous le serons toujours. Nous sommes pour une mondialisation qui mettra fin à la fracture sociale, cause de toutes les souffrances de l'humanité.

 

L'exemple de solidarité, par delà les frontières, que représente le combat des volontaires de la liberté, des espagnols et des nombreux étrangers qui combattirent pour la liberté de pays qui n'étaient pas le leur, peut contribuer à la réalisation de cet objectif.

 

Chaque femme, chaque homme, peut à son niveau, contribuer à éviter le renouvellement de telles barbaries notamment

-          en soutenant la cause de la justice sociale, de la démocratie et de la paix malgré les risques ou les peurs

-          en assurant la préservation de la mémoire de ces événements et de leurs acteurs

-          en promouvant, dans ce cadre, le développement de relations amicales

-          en organisant des échanges et des coopérations entre tous les peuples, villes et villages du monde

-          en rétablissant la vérité historique dans les manuels scolaires.

 

Le projet Terre de Fraternité, s'inscrit dans ces objectifs.

 

Les personnes, associations, municipalités et autres collectivités qui les partagent sont invitées à s'associer à sa réalisation.